" Christendom Awake " .. "Chrétienté, réveille-toi ! "
Le Père Aidan Nichols, o. p., l'un des plus brillants théologiens britanniques actuels, auteur d'une quarantaine de livres sur des sujets très variés, dont la pensée de Joseph Ratzinger, prêtre, évêque et pape, a publié pour le Jubilé de l'an deux mil, un ouvrage : " Chrétienté, réveille-toi ! " aujourd'hui traduit et paru aux Editions de L'Homme nouveau. Au moment où, en France, le gouvernement lance ses offensives laïcistes dans toutes les directions, particulièrement en matière d'éducation et de tout ce qui touche à la famille et au catholicisme de facto, imposant une législation toujours davantage antithétique aux fondements de l'anthropologie chrétienne et tandis que s'amplifie une contestation de plus en plus consciente de la nocivité de l'idéologie constructiviste qui sous-tend la modernité, tant au plan culturel que politique. Eu égard au bouillonnement intellectuel qui règne aujourd'hui chez les catholiques français au sujet du politique et de sa nécessaire refondation, nous dit l'abbé Eric Iborra, vicaire à Saint Eugène-Sainte Cécile à Paris, je voudrais attirer l'attention sur ce que la pensée du dominicain anglais peut apporter.
Face à un sécularisme mortifère, le père Aidan Nichols dresse un constat … en deux étapes :
- le rapport de la culture à la religion et ses conséquences sur l'ordre politique.
- restaurer l’état de chrétienté (pour le père Nichols la forme la plus appropriée à l’Etat de chrétienté est la royauté héréditaire témoignant de Dieu … manifestant ainsi l’antériorité de la Loi naturelle sur la loi positive.
La restauration d’un Etat de chrétienté à travers un réveil théologal et politique des catholiques n’est pas utopique mais une réponse réaliste à la situation dramatique d’un ordre politique qui ne cesse de se dégrader … la Doctrine sociale de l’Eglise est un référent essentiel jusqu’à Caritas in Veritate.
Pour le Père Aidan Nichols, en effet, le « pluralisme radical », qui constitue le dogme de notre monde contemporain, est incapable d’assurer le vivre ensemble en raison de sa négation de la quête rationnelle de l’homme vers Dieu et de son éclatement et de la désintégration de la société. La justice sociale elle-même est impossible sans un minimum de valeurs partagées. L’Église a donc un rôle à jouer. Sa légitimité tient d’abord au mandat qu’elle a reçu de son fondateur d’étendre le règne du Christ-Roi. Les catholiques peuvent ensuite s’appuyer sur une véritable sagesse qu’ils doivent porter autour d’eux, en raison même de l’impératif missionnaire.
L'Académie d'Etudes Civiques et Sociales se fait un plaisir de vous recommander "Chrétienté, réveille-toi ! Redynamiser l'Eglise dans la culture" du père Aidan Nichols, o. p., traduit par Pascale Robin, aux Editions de l'Homme nouveau (avril 2013, 318 p., 28 €)
L’auteur est un dominicain très British dans son style d’exposition, courtois, détendu, très cultivé, mais aussi très affirmatif dans l’exposition de ses opinions. Partant du constat d’évidence que l’inculture atteint des sommets dans le climat général de décomposition postmoderne, il milite pour une reprise dans les secteurs principaux de la vie chrétienne. On pourrait dire que cet ouvrage, publié en 1998 dans sa version originale, est un programme de redressement lancé à l’attention de l’Eglise du temps postconciliaire, dans une optique très "réforme de la réforme" (tirant de manière préférentielle vers le traditionnel). C’est explicitement le cas en matière liturgique mais aussi, par exemple, en philosophie à propos du postmodernisme et de ses conséquences. Chacun des chapitres reçoit pour titre un mot d’ordre : réenchanter la liturgie, relancer la philosophie chrétienne, reconstituer une société de foyers, resacraliser la culture matérielle, repositionner la spiritualité moderne, et ainsi de suite. Le chapitre VI (" Réimaginer l’Etat de chrétienté ") prend la forme d’une discussion avec un théologien anglican, Oliver O’Donovan. Prenant acte de la perte d’unité religieuse dans la société, Aidan Nichols, s’inspirant de MacIntyre, Simone Weil et Christopher Lasch, Thomas Molnar ou Álvaro d’Ors, considère que la laïcisation avancée de la société jadis chrétienne résulte de la dégradation antérieure de la manière de vivre ensemble et voudrait donc voir récupérer "certains des aspects d’une société chrétienne" pour rendre à nouveau possible une vie conforme à l’évangile, qu’il suppose utiles pour "libérer l’Etat démocratique moderne des conséquences débilitantes de sa propre histoire". Le père Aidan Nichols se montre sensible à la dégradation de l’image de la fonction politique, à sa "désymbolisation", avec pour conséquence inévitable une perte de légitimité – un phénomène que, par manière de mimétisme, on retrouve largement dans l’Eglise actuelle. Si bien qu’il imagine mal un nouvel "Etat de chrétienté" sans ce qu’il nomme le "retour d’une cohérence" à l’intérieur même de l’Eglise. "Ce n’est pas chercher l’expansion et l’autopromotion de l’Eglise que de demander à celle-ci de désavouer le terme "pluralisme", euphémisme par lequel ses dons spirituels et magistériels se trouvent neutralisés (la république d’Irlande offre à cet égard un exemple instructif - p. 106)". Cet ouvrage a les défauts de ses qualités : agréable à lire, il fraye de nombreuses pistes à partir d’une réflexion personnelle authentique et ouverte sur l’avenir, mais il ne faut pas en attendre d’exposés méthodiques ni d’argumentations serrées.
L'Eglise est appelée à redevenir une force culturelle et sociale créative et influente. Pour sortir de sa marginalisation, elle doit retrouver la confiance dans sa capacité à transformer la vie quotidienne et ne pas désavouer sa tradition bimillénaire. Grand théologien, observateur attentif des courants de pensée contemporains, le père Aidan Nichols explore tous les domaines de la vie humaine que le christianisme a pour mission de dynamiser : la culture, la famille, l'économie, la philosophie, l'art, l'économie, les relations entre les sexes, la politique ... C'est une véritable charte pour la nouvelle évangélisation qui est ainsi développée.
La chrétienté qu'il appelle de ses voeux n'est pas un rêve nostalgique d'un état historique que l'on pourrait croire (ou vouloir) disparu, mais une société qui prend au sérieux la Résurrection du Christ.